Compte-rendu de la conférence annuelle du Point de Contact ESPON

« La consommation du sol au Luxembourg : comment concilier développement urbain et rural avec l'objectif de réduction de l'artificialisation de sol? »

Dans le cadre des activités du point de contact ESPON au Luxembourg, le Ministère du Logement et de l'Aménagement du territoire du Grand-Duché de Luxembourg a organisé une conférence sur le thème de « La consommation du sol au Luxembourg : Comment concilier développement urbain et rural avec l’objectif de réduction de l’artificialisation du sol ? » le 8 novembre 2023 en présence d’une cinquantaine de participants.

Dans son discours d’ouverture, le Ministre de l'Aménagement du territoire (faisant fonction) du Grand-Duché de Luxembourg, Claude Turmes a souligné que l’objectif de réduction de l’artificialisation des sols ne remet pas en cause le développement économique du pays ni la construction de logements, qui était une des priorités majeures du gouvernement sortant.

Il a également rappelé que le principe de densification du bâti élaboré dans le  Programme directeur d'aménagement du territoire (PDAT) adopté en juin 2023 ne doit pas se faire au détriment de la qualité de vie et comme l’a montré la consultation internationale « Luxembourg in Transition », le développement du Luxembourg et l’aménagement du territoire ne peuvent se faire sans concertation avec ses voisins, réaffirmant ainsi la nécessaire coopération transfrontalière.

Le contexte de la conférence a été posé par l’étude ESPON SUPER (Pratiques d'urbanisation durable et d'utilisation des sols dans les régions européennes) qui a été réalisée grâce à un financement du programme ESPON.

Au cours de la première session de la conférence, les intervenants ont dressé un état des lieux de la consommation du sol sur le territoire du Luxembourg.

Robert Wealer, du Département de l’aménagement du territoire a présenté la stratégie du pays pour réduire l’artificialisation des sols. Il a ainsi évoqué les principes-clés de planification territoriale établis dans le PDAT ; la multifonctionnalité, la concentration du développement aux endroits les plus appropriés, la densification du bâti.

Marjan Van Herwijen, chercheure auprès du GECT ESPON a présenté dans un premier temps une partie de l’étude ESPON SUPER (Pratiques d'urbanisation durable et d'utilisation des sols dans les régions européennes) qui met en lumière des dynamiques d’urbanisation et de consommation des sols très hétérogènes en Europe au cours des vingt dernières années. Dans un deuxième temps, Nicolas Rossignol, directeur adjoint du programme ESPON a dressé un aperçu des politiques publiques pour réduire l’artificialisation des sols en Allemagne, en Espagne, en Italie ainsi qu’aux Pays-Bas, faisant apparaître les spécificités propres à chaque contexte national.

Les présentations de la deuxième session se sont concentrées sur la dimension territoriale urbaine, notamment les mesures pour freiner l’étalement urbain, telle la remobilisation des friches.

Christian Bauer, architecte chez Christian Bauer & Associés a présenté le projet de revitalisation des friches de NeiSchmelz à Dudelange, ancien site sidérurgique, projet porté conjointement par Le Fonds du Logement et la Ville de Dudelange pour transformer le site en vaste éco-quartier exemplaire, multifonctionnel et bien relié aux quartiers déjà existants.

Enfin, Valérie Dupont, chargée de recherche à la Faculté de droit de Lausanne a présenté la Stratégie Sol Suisse 2020 pour réduire l’artificialisation des sols. Elle a exposé les principes-clés de la stratégie suisse sur le ZAN ainsi que les différentes mesures de compensation pour le maintien des fonctions des sols.

Les participants à la table ronde, Marie-Josée Vidal, coordinatrice générale du Département de l’aménagement du territoire du Luxembourg, Antoine Decoville, chercheur au LISER (Institut luxembourgeois de recherche socio-économique) et Benoît Leplomb, chef de pôle SRADDET Grand Est (Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Egalité des Territoires) ont discuté des pistes d’actions pour concilier développement des territoires ruraux et réduction de l’artificialisation des sols et des relations villes-campagne. Ils ont relevé l’importance cruciale de l’acceptabilité sociale de l’objectif de zéro artificialisation, d’un changement de la culture de planification au Luxembourg et d’une flexibilité accrue au niveau de projets futurs pour garantir la meilleure qualité de vie possible.

Les présentations seront bientôt en ligne.

 

Conférence annuelle ESPON – relevé synthétique des discussions de la table ronde

Tour de table entre Marie-Josée Vidal, Coordinatrice générale du Département de l’aménagement du territoire de Luxembourg, Benoît Leplomb, responsable du service SRADDET, Ingénierie et ruralités à la Région Grand Est et Antoine Decoville, chercheur au LISER du Luxembourg sur le concept de réduction de l’artificialisation du sol dans le cadre rural.

Il a été noté qu’au niveau du Luxembourg, l’élaboration du nouveau PDAT s’est faite en concertation avec les communes par le biais d’une consultation formelle mais aussi via de nombreuses rencontres informelles. Lors de ces discussions il s’est avéré qu’il n’y a pas de divergences sur le fonds des arguments présentés dans le PDAT afin de tendre vers une réduction de l'artificialisation des sols. Les différences se situent plus particulièrement sur la mise en oeuvre des solutions indiquées dans le nouveau PDAT.

Ces réflexions sont partagées par la Région Grand Est qui affiche sur son territoire un développement spatial très hétérogène au cours des dernières décennies. L’objectif de réduction de l'artificialisation des sols n’est pas remis en cause par les acteurs de terrain mais les questions portent surtout sur sa mise en oeuvre concrète et les processus de planification qui en découlent. De la part des élus et des différents acteurs, l’une des craintes est de ne plus avoir assez de terrains dédiés au bâti pour permettre le développement économique de leurs territoires. Cela est en partie dû au fait que les documents de planification permettent de gérer, programmer, encadrer les projets d’accroissement mais sont peu adaptés pour traiter l’existant et sa mutation.

Cette discussion a été encadrée par l’intervention du LISER qui a souligné que l’acceptabilité sociale est cruciale pour donner sens à cet objectif et pour le rendre le plus juste possible. Sans cela, il y a peu de chances que les élus locaux prennent des mesures suffisamment contraignantes en faveur des priorités des plans de l’aménagement du territoire. Dans ce contexte, il existe un réel manque de données et de savoir-faire en Europe et dans les différents pays et régions.

Dans tous les cas, en ce qui concerne l’aménagement du territoire (façons de vivre, d’habiter etc…), un changement de paradigme est nécessaire. Les données le montrent, l’étalement urbain n’a cessé de progresser de manière inégale et sans tenir compte des besoins sociaux et économiques des régions concernées. Il est nécessaire de combiner plusieurs fonctions au même endroit, de concentrer le développement dans les endroits les plus appropriés, également au sein des communes.

Cela dit, pour ce qui est de la mise en oeuvre des principes de la zéro artificialisation nette, un dirigisme trop fort semble plutôt contre-productif. Un bon équilibre entre cadrage "top-down" et flexibilité au niveau local pour assurer une bonne qualité de vie à travers les différents projets à réaliser s’avère nécessaire. Pour cette raison, les intervenants soulignent par ailleurs l'importance d'un accompagnement efficace des acteurs de la planification dans la mise en oeuvre de l'objectif de zéro artificialisation nette.

Faut-il une culture de planification spécifique aux territoires ruraux ?

Les communes qui souhaitent moins se développer ne trouvent pas forcément de réponses à leurs interrogations qui sont surtout liées à la question des finances communales. Du point de vue des communes rurales, comment survivre sans se développer tout en sachant que la qualité de vie recherchée par les citoyens coûte très chère ? Actuellement, une des seules options possibles pour les communes est de jouer sur leur réserve foncière de manière à maximiser les revenus liés à cette mise à disposition. Pour mettre en oeuvre les objectifs de la zéro artificialisation nette dans les territoires ruraux il faudrait mettre en avant les richesses de ces territoires et promouvoir leur attractivité (plus de qualité de vie, d’espaces naturels, etc…). Dans ce contexte, une option envisageable serait d’établir un modèle de compensation pour valoriser le choix des communes de ne pas développer leur réserve foncière pour y implanter des activités économiques mais plutôt pour créer un meilleur cadre de vie pour la population qui y réside.

Recommandations pour des activités de recherche et de collecte de données d’ESPON :

• Ne pas faire de distinction d’importance entre les zones rurales et urbaines pour le développement du pays. Chaque zone sert des fonctions particulières et essentielles au niveau environnemental, social et économique.

• Avoir des données plus détaillées sur l’acceptabilité sociale du principe d’aménagement du territoire qui tend vers une zéro artificialisation du sol et les conséquences qui s’ensuivent, afin de pouvoir donner du sens à cet objectif perçu comme quelque chose de très technique.

• Le processus d’implication des citoyens ne doit pas se limiter à une consultation préalable lors de l’élaboration des stratégies de l’aménagement du territoire pour le futur, mais doit se poursuivre jusque dans la mise en oeuvre des différentes stratégies et leurs conséquences.

• La mise en oeuvre d’une stratégie de zéro artificialisation nette bouscule les habitudes de planification actuelles. Un accompagnement efficace et pertinent des acteurs de la planification dans la mise en oeuvre de l’objectif de zéro artificialisation nette (sensibilisation, information, échange de bonnes pratiques, formation, ...) s’avère ainsi nécessaire.

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